La belle jeunesse des Enfants Terribles

Le festival Les Enfants Terribles, qui s’est ouvert ce jeudi 18 octobre, en est cette année à sa 6e édition. Un jeune festival, donc, mais qui fait preuve d’un beau dynamisme et propose une programmation de qualité consacrée essentiellement aux courts-métrages.

Un peu plus de trente premiers films en provenance de toute l’Europe y sont projetés, sans distinction de genre. Ainsi, les courts-métrages de fiction y cotoient ceux d’animation et quelques documentaires. Soumis à des jurys professionnels (dont celui de la Critique chapeauté par l’U.C.C. et l’U.P.C.B., les deux associations de critiques belges), les films lauréats se verront primés ce samedi soir 20 octobre.

Suite à la cérémonie de remise des prix, le public pourra (re)découvrir Manu, le documentaire émouvant tourné par Emmanuelle Bonmariage sur son propre père, le célèbre Manu Bonmariage, aujourd’hui âgé de 77 ans et dont la mémoire si prolifique s’est hélas désormais diluée dans la maladie d’Alzheimer.

Mais le festival Les Enfants Terribles organise également de nombreuses activités pendant les 4 jours de l’évènement, ce qui contribue à son succès dans la région de Huy. Ainsi, des séances scolaires, des rencontres, une journée des familles ou encore des soirées musicales pleines d’ambiance viennent compléter les séances de projections, permettant donc de savourer pleinement une 6e édition qui confirme que Les Enfants Terribles ont encore de belles années devant eux.

Olivier Clinckart

https://festivallesenfantsterribles.wordpress.com

Le cinéma en fête à Gand

La Wallonie a son Festival du Film Francophone de Namur; la Flandre, elle, a son Film Fest Gent: depuis 45 ans, la ville accueille pendant 10 jours un large public pour un évènement qui propose une programmation internationale d’une rare richesse. Depuis le 9 octobre, le Festival offre en effet au public et aux professionnels un véritable best-of des 3 grands rendez-vous européens et mondiaux que sont Berlin, Cannes et Venise. Le film d’ouverture donnait déjà le ton en la matière, avec rien moins que le superbe Girl, Caméra d’Or et Prix d’interprétation Un Certain Regard sur la Croisette. Une affaire de famille, la Palme d’Or 2018, de Kore-Eda, est également au programme, de même que Cold War, de Pawel Pawlikowski, Prix de la mise en scène à Cannes. Et ce ne sont que là que 3 exemples parmi bien d’autres.

Mais le Film Fest Gent ne se “contente” pas de projeter les meilleurs films berlinois, cannois et vénitiens. Ainsi, le très attendu Kursk, de Thomas Vinterberg, qui retrace la tragédie du sous-marin russe, ou encore Loro, le dernier film de Paolo Sorrentino qui évoque à sa manière le parcours de Silvio Berlusconi, figurent également sur la liste richement fournie du festival gantois.

Ce dernier se poursuit jusqu’au 19 octobre, toutes les informations se retrouvent (en néerlandais et en anglais) sur le site www.filmfestival.be.

Olivier Clinckart

33e Fiff: retour sur le palmarès (II)

Deux prix apparaissent comme fort logiques au palmarès du 33e Festival International du Film Francophone de Namur: les Bayard du Meilleur comédien et de la Meilleure comédienne. Ainsi, le Canadien Théodore Pellerin s’est vu récompensé pour sa belle prestation dans Genèse, film plein de sensibilité sur les premières amours de trois adolescents québécois qui cherchent leurs repères alors qu’ils sont aux portes de l’âge adulte. Si le canevas développé ne révolutionne pas un thème déjà maintes fois abordé au cinéma, le réalisateur Philippe Lesage peut compter sur de jeunes comédiens talentueux qui rendent les personnages profondément attachants. A noter que Genèse constitue le deuxième volet autobiographique du cinéaste, après Les démons, qui avait également été présenté au Fiff en 2015.

Côté féminin, Elodie Bouchez a été honorée du Bayard pour son rôle dans Pupille, le film de Jeanne Herry et Gaelle Macé. Elle y incarne une femme ne pouvant avoir d’enfants et qui cherche à adopter depuis près de 10 ans. Son parcours est mis en parallèle avec d’autres destins, dont celui d’un homme (interprété par Gilles Lellouche) qui fait office de père d’accueil temporaire pour des jeunes enfants et des bébés, ou encore d’une jeune femme qui, lors de son accouchement, décide de mettre son bébé à l’adoption. C’est un joli retour à l’avant-plan pour celle qui reçut le César de la Meilleur actrice et le Prix d’interprétation féminine à Cannes pour La vie rêvée des anges, il y a 20 ans déjà. Dans Pupille, elle est émouvante et toute en fragilité dans la peau de son personnage, dont le combat pour adopter est étalé sur plusieurs années.

Quelques instants avant l’annonce du Bayard de la Meilleure actrice, Pupille avait déjà été primé du Bayard du Meilleur scénario. Un choix plus surprenant toutefois, car si le film contient d’indéniables qualités, dont un jeu d’acteurs des plus convaincants, il pèche parfois par naïveté, au détour de quelques séquences qui, en frôlant l’angélisme, manquent singulièrement de crédibilité. Mais le récit, répétons-le, reste plaisant dans l’ensemble et prouve que Jeanne Herry, après Elle l’adore, a encore bien des choses à nous raconter.

Enfin, citons un grand oublié au palmarès: l’excellent Nos batailles, qui méritait assurément de participer à la remise des prix. Projeté lors de la soirée d’ouverture, le deuxième long-métrage de Guillaume Senez (qui avait remporté le Prix de la Critique à Namur pour Keeper) est reparti injustement bredouille. Mais le réalisateur se sera certainement vite consolé, puisque 24 heures plus tard, Nos batailles recevait le Prix de la Critique (décidément!) au Festival international du Film d’Hambourg.

Olivier Clinckart

33e Fiff: retour sur le palmarès (I)

Le 33e Festival International du Film Francophone de Namur s’est tenu du 28 septembre au 5 octobre 2018. Une édition qui a su proposer une programmation éclectique dans ses différentes sections, à commencer par la Compétition officielle. Le jury, présidé par le réalisateur Thierry Klifa, a visionné 13 films et a rendu les verdicts suivants:

-Bayard d'Or du Meilleur film: M, de Yolande Zauberman

-Prix Spécial du jury: Les tombeaux sans nom, de Rithy Panh

-Mention spéciale du jury: En liberté!, de Pierre Salvadori

-Bayard d'Or du Meilleur comédien: Théodore Pellerin, pour Genèse

-Bayard d'Or de la Meilleure comédienne: Elodie Bouchez, pour Pupille

-Bayard de la Meilleure photographie: Les tombeaux sans nom, de Rithy Panh

-Bayard du Meilleur scénario: Pupille, de Jeanne Herry et Gaëlle Macé

Les autres films en compétition étaient:

Alice T., de Radu Muntean; Charlotte a du fun, de Sophie Lorrain; Fortuna, de Germinal Roaux; The Mercy of the Jungle, de Joël Karekezi; Mitra, de Jorge Leon; Nos batailles, de Guillaume Senez; Un amour impossible, de Catherine Corsini; Weldi, de Mohammed Ben Attia.

La principale constatation qui se dégage du palmarès est que les membres du jury ont récompensé davantage des thématiques plutôt que des oeuvres cinématographiques au sens complet du terme. En effet, les deux premiers prix -le Bayard d’Or du Meilleur film et le Prix Spécial du jury- sont allés à des documentaires, certes très forts quant aux sujets abordés, mais pas forcément les plus aboutis au niveau de leur réalisation, du moins par rapport à certains autres films en compétition.

Ainsi, dans Les tombeaux sans nom, Rithy Panh poursuit le devoir de mémoire autour du terrible génocide commis par les Khmers rouges au Cambodge dans les années 70. Le superbe L’image manquante avait d’ailleurs été programmé au Fiff en 2013 et le réalisateur nous propose ici un dialogue avec les âmes des disparus et des innombrables victimes du génocide qui sont restées sans sépulture. Alternant les moments de spiritualité et les témoignages glaçants relatifs aux atrocités commises, le film fait incontestablement oeuvre utile.

Un extrait de Les tombeaux sans nom: https://cineuropa.org/fr/video/358065/

Il en va de même pour M, tourné en yiddish et qui nous emmène dans une plongée hallucinante au coeur de Bneï Brak, la capitale mondiale des juifs ultra-orthodoxes. M, c’est Menahem Lang, qui a grandi au sein de cette communauté aux préceptes rigoristes, mais où il a subi pendant des années des abus sexuels. Accompagné de la réalisatrice, l’homme revient sur les lieux du crime dont il a été la victime. Un crime qui a façonné sa personnalité et dont il n’est évidemment pas sorti indemne. C’est à un voyage noir de noir, au propre comme au figuré, que Yolande Zauberman nous convie. D’abord parce qu’une grande partie du film se déroule de nuit ou dans la pénombre, ensuite parce que ce côté sombre se voit renforcé par les résidents de Bneï Brak, entièrement vêtus de noir et dont certains propos pour le moins interpellants démontrent à quel point l’extrémisme religieux n’est pas l’apanage d’un seul culte en particulier, mais est hélas bien universel. A travers le parcours cabossé et la douloureuse reconstruction de son protagoniste principal, Yolande Zauberman a le mérite de mettre en lumière un sujet peu connu chez nous.

Un extrait de M.: https://cineuropa.org/fr/video/358230/

S’il faut, par contre, se baser également sur les qualités cinématographiques d’ensemble de ces 2 documentaires, et pas uniquement sur leur incontestable apport thématique en matière d’éveil des consciences, force est de constater qu’ils n’étaient probablement pas les 2 meilleures productions parmi les 13 en lice dans la course aux honneurs namurois. Nous reviendrons donc dans notre prochain article sur les autres films primés et oubliés au palmarès.

Olivier Clinckart

 

Fiff de Namur: dites 33 !

C’est donc ce vendredi 28 septembre que la 33e édition du Festival International du Film Francophone de Namur lance les festivités qui se tiendront pendant une semaine au sein de la capitale wallonne.

Au programme, comme chaque année, le cinéma des pays francophones et proches de la francophonie sera mis à l’honneur, dans une programmation riche de plusieurs dizaines de films programmés dans les diverses compétitions.

Et d’emblée, c’est un excellent film d’ouverture qui sera proposé aux spectateurs: rien moins que Nos batailles, de Guillaume Senez, qui avait eu les honneurs de la Semaine de la Critique en mai 2018 et où il avait fait forte impression. Nous avions commenté le film à l’époque et interviewé son réalisateur; 2 articles disponibles sur notre site via les liens suivants:

Nos batailles – Semaine de la Critique (séance spéciale)

Nos batailles: interview de Guillaume Senez

Dites 33, donc, pour un festival qui se porte décidément bien!

Olivier Clinckart

Waterloo et Huy: 2 jeunes festivals dynamiques

Ils en sont tous les deux à leur 5e édition et -autre coïncidence- sont programmés chaque année aux mêmes dates: le Wahff ou Festival du film historique de Waterloo et Les Enfants Terribles de Huy, consacré aux 1ers films européens (essentiellement les courts-métrages) se déroulent du jeudi 19 au dimanche 22 octobre 2017.

Dans un cas comme dans l’autre, on peut affirmer que la valeur n’attend pas forcément le nombre des années, puisque ces deux jeunes festivals témoignent d’un dynamisme enthousiasmant à l’heure où certains festivals nettement plus anciens semblent parfois à la recherche d’un nouveau souffle.

Les nombreuses activités proposées par le Wahff et Les Enfants Terribles, ainsi que leur programmation, sont à découvrir sur leurs sites respectifs:

Labo #WAHFF2017

http://www.fidec.be/

Fiff, avec « f » comme « fin »

Le 32e Festival du Film Francophone de Namur s’est clôturé le 6 octobre, revenons brièvement sur le palmarès du Jury Officiel. Celui-ci était composé de Martin Provost (réalisateur français et Président du Jury), Loubna Abidar (actrice marocaine), Anne Emond (réalisatrice canadienne du Québec), Issaka Sawadogo (acteur burkinabé), Christa Théret (actrice française) et Marc Zinga (acteur belge). Les 6 récompenses attribuées sont les suivantes:

-Bayard d'Or du Meilleur film: Chien, de Samuel Benchetrit
-Prix Spécial du jury: Maman Colonelle, de Dieudo Hamadi
-Bayard d'Or du Meilleur comédien: Vincent Macaigne, pour Chien
-Bayard d'Or de la Meilleure comédienne: Camille Mongeau, pour Tadoussac
-Bayard de la Meilleure photographie: 12 jours, de Raymond Depardon
-Bayard du Meilleur scénario: Chien, de Samuel Benchetrit

Un grand vainqueur donc, le film Chien, mais un palmarès qui a de quoi laisser pantois et qu’on a, justement, un mal de chien à comprendre. En effet, le seul prix qui paraît légitime est celui attribué à l’excellent documentaire de Dieudo Hamadi consacré au travail opiniâtre de la Colonelle Honorine, chargée de la protection des enfants et de la lutte contre les violences sexuelles en République Démocratique du Congo. Une « médaille d’argent » au Fiff entièrement méritée pour le réalisateur congolais.

Dommage que le jury n’ait pas fait preuve de la même lucidité quant aux autres récompenses. Car il est tout bonnement invraisemblable d’avoir attribué 3 prix à ce Chien qui manquait terriblement de mordant et dont l’allégorie qu’il propose, aussi originale pouvait-elle paraître de prime abord, ne suffit pas à masquer les faiblesses d’une mise en scène et d’une interprétation horripilante. Dans cette optique, couronner la (non)prestation de Vincent Macaigne comme Meilleur comédien confine au ridicule, tant l’acteur ne joue pas dans ce film: son personnage demeure amorphe et inexpressif quasiment d’un bout à l’autre, ne se révoltant qu’à une seule et rare occasion contre sa condition d’animal de compagnie. Le genre de personnage à qui l’on rêve de pouvoir flanquer une bonne paire de baffes et qui, au lieu de susciter la moindre empathie à son égard, se rend profondément irritant.

Vincent Macaigne et Vanessa Paradis, interprètes principaux de Chien, aux côtés de Samuel Benchetrit

Dès lors, avoir complètement méprisé le formidable Ana, mon amour, qui méritait 100 fois plus que Chien de repartir avec les honneurs namurois, s’avère une fameuse faute de goût donnant envie de montrer les crocs aux jurés.

Dans la même optique, Mircea Postelnicu, acteur principal du film roumain précité, n’aurait pas volé la statuette du Meilleur comédien, tandis que celle de la Meilleure comédienne aurait du revenir à Mariam Al Ferjani, impressionnante dans La belle et la meute. Si la québécoise Camille Mongeau livre une composition honorable, elle ne surpasse toutefois pas en intensité celle de l’actrice tunisienne.

Enfin le Bayard de la Meilleure photographie ressemble plutôt à un mauvais cliché. Car il fait bien davantage penser à un hommage rendu au grand Raymond Depardon pour l’ensemble de son oeuvre qu’à une récompense attribuée à son documentaire (12 jours) en tant que tel. Un docu fort convaincant au demeurant, certes, et au sujet captivant mais dont on perçoit mal en quoi sa photographie puisse être considérée comme supérieure à celle de TukTuq, autre film lamentablement laissé sur la touche. Peut-être le jury, après un bon repas, se sera-t-il assoupi devant la mise en scène très contemplative de ce film canadien, manquant ainsi l’occasion de profiter des somptueux paysages filmés par Romain Aubert en territoire inuit.

On se consolera de ce palmarès bancal en soulignant la bien plus grande lucidité du Jury Junior, composé de 8 jeunes critiques en herbe belges âgés de 12-13 ans, qui a remis son Prix au film Petit paysan, de Hubert Charuel, parmi 7 films en compétition.

Une mention également au Jury de la Critique UCC-UPCB (les 2 associations belges de critiques) qui devait choisir entre 5 films belges pour décerner son Prix et qui a désigné Drôle de père, d’Amélie Van Elmbt, un récit attachant plein de finesse et sans pathos, bénéficiant d’une belle alchimie entre les personnages et de l’interprétation d’une rare justesse de la petite Nina Doillon.

Le palmarès complet du 32e Fiff peut être consulté sur le site du Festival:

https://www.fiff.be/palmares-fiff-2017

Olivier Clinckart

Fiff, avec « f » comme « fou », « faible » ou « flop »

Avant la clôture de ce vendredi 6 octobre, voici un rapide aperçu des 6 derniers films en Compétition officielle au 32e Fiff de Namur.

Avec Laissez bronzer les cadavres, Hélène Cattet et Bruno Forzani proposent un beau petit ovni cinématographique en forme d’hommage aux films de genre. A la manière des séries B des années 70, les deux réalisateurs s’en donnent à coeur joie avec cette histoire complètement barrée d’une bande de braqueurs en planque dans un village isolé de la Méditerranée. Avec sa première partie déjantée, ses personnages hauts en couleurs et son remarquable travail sur le son, le film ravira les amateurs du genre -quel dommage d’ailleurs que la sortie du film ne coïncide pas avec le Bifff (le Festival du Film Fantastique de Bruxelles) car il y aurait évidemment parfaitement trouvé sa place- tout comme il déconcertera les cinéphiles moins ouverts à ce type de mise en scène. L’intensité de ce trip hallucinatoire faiblit toutefois quelque peu dans sa deuxième partie, filmée essentiellement dans une pénombre qui rend le récit assez confus par moments. Mais l’ensemble ne laisse en aucun cas indifférent.

Tadoussac, film canadien, et  When the day had no name, film macédonien, proposent un regard intéressant sur le cinéma du Québec et de l’ancienne république yougoslave, dont les productions n’atteignent que très rarement nos salles francophones européennes. Avaient-ils pour autant leur place dans une Compétition officielle? Avec une mise en scène lente et un récit qui peine à démarrer, tant le premier titre que le second font plutôt figure d’honnêtes téléfilms, même si les sujets -une jeune femme cherche à retrouver sa mère dans Tadoussac, tandis que When the day had no name suit un groupe de jeunes amis sur une période de 24 heures- auraient pu déboucher sur une intrigue plus fouillée.

Volubilis, film marocain, narre les péripéties d’un couple au sein d’une société décrite comme profondément inégalitaire au niveau social. Lui est vigile dans un centre commercial, elle est employée de maison chez une riche propriétaire dont la vie se résume à des journées oisives et des soirées mondaines. Un évènement profondément humiliant va venir bouleverser le quotidien d’Abdelkader et Malika. Une telle trame avait de quoi donner lieu à un récit subtil sur les inégalités de la société marocaine et une analyse sociologique prenante. Il n’en est rien, tant le ton employé frôle souvent la caricature et ne parvient pas à trouver un équilibre narratif satisfaisant.

Chien, de Samuel Benchetrit, était attendu avec impatience à Namur, car il permettait au public du Fiff de retrouver Vanessa Paradis, laquelle avait d’ailleurs été invitée en 2015 en tant que Coup de coeur du festival. Mais l’actrice n’a en réalité qu’un rôle secondaire dans cette comédie dramatique affligeante (ou dramatiquement affligeante) dont Vincent Macaigne assure le rôle principal. Avec ce récit d’un homme ayant tout perdu et qui se voit recueilli par le patron d’une animalerie qui va le traiter (littéralement) comme un chien, Benchetrit a voulu construire une allégorie se basant sur un fait l’ayant marqué, un jour qu’il se promenait en rue avec son chien: les passants s’intéressaient bien plus à l’animal qu’à un sans-abri couché à deux pas de là. D’où l’idée d’en tirer un roman qu’il adapte donc aujourd’hui au grand écran. Si l’histoire a sans doute de quoi séduire sur papier, le résultat en images est nettement moins convaincant, tant le personnage principal se révèle insupportable avec ses airs de chien battu (logique, certes, avec un tel titre) qui subit les évènements de manière totalement amorphe et se transforme peu à peu en animal de compagnie. Peut-on dès lors parler de performance d’acteur pour Vincent Macaigne, à l’expression figée pendant quasiment tout le film? Certains ont visiblement apprécié sa (non)performance, de même que le côté (faussement) décalé d’un récit qui suscite surtout un ennui profond et dont les moments drôles supposés arrachent à peine un faible sourire. Et que dire de la séquence finale (narrée avec une voix d’une naïveté confondante par Macaigne), qui se veut pleine de poésie? Elle à l’image de l’ensemble: horripilante.

L'acteur Vincent Macaigne (à droite) dans Chien

Maryline, de Guillaume Gallienne, était lui aussi très attendu, après le formidable premier film de son réalisateur, Les Garçons et Guillaume, à table! Mais où diable sont passées la fantaisie débridée et la folle originalité dont Gallienne faisait preuve? Difficile de les retrouver dans Maryline, tout au long de l’histoire de cette jeune femme qui monte à Paris pour y tenter de devenir comédienne. La grande faiblesse du scénario est qu’il est très complexe de définir où Guillaume Gallienne a voulu en venir, tant il semble courir de lièvres à la fois. Cette chronique étalée sur une quinzaine d’années d’une jeune femme qui n’arrive pas à extirper les mots nécessaires de sa bouche pour atteindre son but laisse perplexe. On saluera par contre l’interprétation lumineuse de Adeline D’Hermy, sociétaire comme Gallienne de la Comédie-Française et dont le charme fait mouche dans un film trop décousu et qui n’évite pas certains excès de naïveté et autres clins d’oeil trop appuyés.

Adeline D'Hermy dans Maryline

Verdicts et palmarès du 32e Fiff ce vendredi 6 octobre en soirée. En attendant, voici notre palmarès personnel:

-Prix spécial du Jury au documentaire Maman Colonelle
-Bayard de la Meilleure photographie: TukTuq 
-Bayard du Meilleur scénario: Laissez bronzer les cadavres
-Bayard de la Meilleure comédienne: Mariam Al Ferjani (dans La belle et la meute) ou Adeline D'Hermy (dans Maryline) 
-Bayard du Meilleur comédien: Mircea Postelnicu (dans Ana, mon amour)
-Bayard d'Or: Ana, mon amour

 

Olivier Clinckart

 

Fiff, avec « f » comme « fort »

Le roumain Calin Peter Netzer  avait remporté l’Ours d’Or à Berlin en 2013 avec Mère et fils et l’Ours d’Argent de la Meilleure contribution artistique cette année en février pour Ana, mon amour. Il est dès lors assez incompréhensible que cet excellent film n’ait toujours pas trouvé de distributeur belge 8 mois plus tard, alors qu’il est projeté en Compétition officielle au 32e Fiff de Namur. Souhaitons-lui de repartir de la capitale wallonne avec, pourquoi pas?, un Bayard d’Or qu’il mériterait grandement et qui lui permettrait ainsi d’accomplir un beau doublé, puisque Mère et fils, cité plus haut, avait également remporté le Bayard d’Or en 2013.

Avec sa structure narrative non chronologique, le film conte l’évolution et le délitement progressif d’un couple en abordant en toile de fond une étude de la société roumaine où le sexe (un peu), la religion (modérément) et la psychanalyse (beaucoup) font partie intégrante du décor. Et dont l’humour n’est pas exclu. Dans les rôles principaux, Mircea Postelnicu et Diana Cavallioti sont éblouissants et bluffants de conviction dans la peau de personnages qu’ils incarnent à plusieurs années d’intervalle. Le tout aussi excellent Adrian Pintilie (Bacalaureat) incarne quant à lui le psychanalyste.  « Le casting à duré un an, expliquait Calin Peter Netzer, c’est dire s’il a été ardu de trouver les comédiens adéquats pour de tels rôles ! Je les ai d’ailleurs obligés, en guise de préparation, à suivre tous les 2 une psychanalyse afin de comprendre le mieux possible par quoi passaient leurs personnages. » Une démarche visiblement payante pour des acteurs habités par leur rôle et souvent filmés dans des plans rapprochés. « Je voulais une histoire très intime », justifiait le cinéaste. Son film, lui, mérite assurément d’être vu par le plus grand nombre.

Olivier Clinckart

Fiff, avec « f » comme « fiction et réalité »

Hormis l’excellent Maman colonelle dont nous parlons dans la chronique précédente, la Compétition officielle du 32e Festival International du Film Francophone de Namur proposait 2 autres documentaires.

12 jours, de Raymond Depardon, nous plonge dans la réalité de l’univers psychiatrique et plus précisément des patients hospitalisés en psychiatrie sans leur consentement et qui se voient avant 12 jours présentés en audience auprès d’un juge. Lequel décidera si ces patients resteront internés ou non. Le réalisateur-photographe propose un témoignage fort en donnant la parole à ces personnes qui se retrouvent enfermées dans le but de mieux les protéger de leur extrême fragilité. Pour preuve, les dialogues parfois interpellants entre ces êtres en souffrance et le magistrat chargé de décider de leur sort.

Carré 35, d’Eric Caravaca, part à la recherche des traces laissées par la soeur du réalisateur, décédée à l’âge de 3 ans et avant la naissance de celui-ci. Une soeur dont les parents n’ont gardé aucune photographie. Cherchant à comprendre et expliquer pourquoi cette enfant a été soustraite de la sorte à la mémoire de ses proches, Eric Caravaca part malheureusement dans de trop nombreuses directions à la fois, rendant ainsi son propos parfois confus en mélangeant pêle-mêle le handicap mental , les abus de la colonisation et les conséquences de la décolonisation, ou encore la guerre d’Algérie. Certes, il tente de démontrer le lien qui relie ces différents éléments, mais cette juxtaposition de sujets se fait au détriment du thème central.

Enfin, si le film canadien TukTuq, de Robin Aubert, a beau être une fiction, il n’en contient pas moins un aspect quasi documentaire, dans ce récit où un caméraman est chargé d’aller tourner des images d’une communauté inuit dont le village sera bientôt déplacé pour cause d’exploitation minière sur le territoire où ils résident. Cette réflexion habilement menée sur la manière dont les minorités sont traitées contient aussi une belle dose d’ironie dans les échanges savoureux entre le personnage principal et le responsable de la société qui l’a envoyé en mission dans ces lointains espaces.  Contemplatif à souhait et d’une grande qualité au niveau de ses images, TukTuq mériterait largement de recevoir le Bayard de la meilleure photographie.

Olivier Clinckart