Retour sur la 77e Mostra de Venise (III)





The Macaluso Sisters ♥♥

Maria, Pinuccia, Lia, Katia, Antonella. Nous suivons le parcours à travers l’enfance, l’âge adulte et la vieillesse de ses cinq sœurs nées et élevées dans un appartement au dernier étage d’un petit immeuble de la banlieue de Palerme, où elles vivent seules, sans leurs parents. Une maison qui porte les marques du temps qui passe, comme ceux qui y ont grandi et y vivent encore. L’histoire de cinq femmes, d’une famille, de qui part, qui reste et qui résiste.

Divisé en trois chapitres, dont chacun correspond à un âge particulier des cinq soeurs, The Macaluso Sisters vaut d’abord par un solide numéro de comédiennes, puisque pas moins de douze d’entre ellles prêtent leurs traits à ces femmes aux différentes périodes de leur vie. Et de temps, il est évidemment et forcément sans cesse question tout au long de l’histoire, comme le confirme la réalisatrice Emma Dante, qui adapte ici sa propre pièce de théâtre au titre éponyme: « C’est un film sur le temps. A propos de la mémoire. A propos de choses qui durent. A propos de personnes qui restent même après leur mort. C’est un film sur la vieillesse en tant qu’incroyable ligne d’arrivée de la vie. »

Si ce portrait collectif qui traverse les époques présente un charme indéniable, de même qu’il pose des questions pertinentes sur l’existence, les longues ellipses entre chaque période rendent parfois complexes l’identification des différents personnages, créant à chaque fois une cassure narrative pas toujours bénéfique au récit.

Le Sorelle Macaluso

Wife of a Spy ♥1/2

A l’aube de la Seconde Guerre mondiale, Yusaku Fukuhara, petit notable du port de Kobe décide de se rendre en Mandchourie. A son retour de Chine, il n’est plus le même et agit très étrangement. Sa femme Satoko s’interroge: la trompe-t-il ? Que s’est-il passé là-bas ? Au même moment, Satoko est contactée par un ami d’enfance et policier militaire, Taiji Tsumori. Il lui apprend qu’une femme que son mari a ramenée de Mandchourie est décédée. Satoko est déchirée par la jalousie et affronte Yusaku. Mais lorsqu’elle découvre les véritables intentions de son époux, elle est prête à tout pour assurer sa sécurité et leur bonheur.

« C’est mon premier film qui se déroule dans le passé, expliquait Kiyoshi Kurosawa. Avec la chronologie historique et les événements déjà fixés, j’ai réfléchi avec intérêt en imaginant à quel point les gens ont dû se sentir tourmentés intérieurement lorsqu’ils ont du se confronter à des lendemains très incertains, sans savoir de quoi l’avenir serait fait. »

Si l’on peut reconnaître d’indéniables qualités de mise en scène à Wife of a Spy, Kiyoshi Kurosawa déçoit toutefois en partie avec ce long-métrage qui commence plutôt bien et parvient à captiver dans un premier temps, mais qui tend à devenir de plus en plus insipide au fur et à mesure que le récit avance, donnant ainsi l’impression d’un montage quelque peu bâclé afin que le film puisse être prêt in extremis pour la Mostra. Dans cette optique, le prix du Meilleur réalisateur attribué à Kurosawa peut surprendre.

Wife of a Spy

And Tomorrow the Entire World ♥♥

L’Allemagne est frappée par une violente série d’attentats terroristes racistes. Luisa, 20 ans et issue d’une famille aisée, rejoint une subdivision du mouvement Antifa pour s’opposer à ces redoutables groupements néo-nazi. Par ses actions pas toujours très réfléchies, la jeune femme lutte non seulement contre l’extrême droite, mais essaie également d’impressionner Alfa, une militante dont elle est secrètement amoureuse. Bientôt, les choses dégénèrent et Luisa et ses amis s’affrontent sur la question de savoir si la violence pourrait devenir une réponse politique légitime au fascisme et à la haine.

Si la mise en scène de And Tomorrow the Entire World s’avère des plus classiques, elle n’en met pas moins en avant une problématique qui tend à s’étendre dans de nombreux pays démocratiques. Ainsi que l’explique la réalisatrice Julia von Heinz, « avec mon propre passé d’activiste de gauche, je me demande chaque jour comment je peux utiliser le cinéma, cette belle forme d’art, pour réfléchir sur notre climat politique actuel. J’espère que mon film déclenchera une discussion sur la façon dont nous voulons vivre les uns avec les autres. Ce n’est pas seulement une histoire sur la forte division qui traverse l’Allemagne, mais sur celle qui traverse toute notre société occidentale. »

Ce questionnement est assez efficacement porté à l’écran dans un récit linéaire bien structuré et qui parvient à tenir en haleine.

And Tomorrow the Entire World

Kinshasa Now ♥♥1/2

Signalons également le seul film belge présent à Venise, et plus précisément dans la compétition VR (réalité virtuelle): Kinshasa Now, réalisé par Marc-Henri Wajnberg. Il nous immerge pleinement dans les rues de la capitale de la République Démocratique du Congo, où l’on y suit un groupe de jeunes gamins dans un film joliment maitrisé, non seulement du point de vue technique mais aussi au niveau du scénario, prouvant ainsi à quel point cette technologie en plein essor semble prometteuse de beaux lendemains pour l’industrie du 7e Art.

Kinshasa Now

Olivier Clinckart