33e Fiff: retour sur le palmarès (II)

Deux prix apparaissent comme fort logiques au palmarès du 33e Festival International du Film Francophone de Namur: les Bayard du Meilleur comédien et de la Meilleure comédienne. Ainsi, le Canadien Théodore Pellerin s’est vu récompensé pour sa belle prestation dans Genèse, film plein de sensibilité sur les premières amours de trois adolescents québécois qui cherchent leurs repères alors qu’ils sont aux portes de l’âge adulte. Si le canevas développé ne révolutionne pas un thème déjà maintes fois abordé au cinéma, le réalisateur Philippe Lesage peut compter sur de jeunes comédiens talentueux qui rendent les personnages profondément attachants. A noter que Genèse constitue le deuxième volet autobiographique du cinéaste, après Les démons, qui avait également été présenté au Fiff en 2015.

Côté féminin, Elodie Bouchez a été honorée du Bayard pour son rôle dans Pupille, le film de Jeanne Herry et Gaelle Macé. Elle y incarne une femme ne pouvant avoir d’enfants et qui cherche à adopter depuis près de 10 ans. Son parcours est mis en parallèle avec d’autres destins, dont celui d’un homme (interprété par Gilles Lellouche) qui fait office de père d’accueil temporaire pour des jeunes enfants et des bébés, ou encore d’une jeune femme qui, lors de son accouchement, décide de mettre son bébé à l’adoption. C’est un joli retour à l’avant-plan pour celle qui reçut le César de la Meilleur actrice et le Prix d’interprétation féminine à Cannes pour La vie rêvée des anges, il y a 20 ans déjà. Dans Pupille, elle est émouvante et toute en fragilité dans la peau de son personnage, dont le combat pour adopter est étalé sur plusieurs années.

Quelques instants avant l’annonce du Bayard de la Meilleure actrice, Pupille avait déjà été primé du Bayard du Meilleur scénario. Un choix plus surprenant toutefois, car si le film contient d’indéniables qualités, dont un jeu d’acteurs des plus convaincants, il pèche parfois par naïveté, au détour de quelques séquences qui, en frôlant l’angélisme, manquent singulièrement de crédibilité. Mais le récit, répétons-le, reste plaisant dans l’ensemble et prouve que Jeanne Herry, après Elle l’adore, a encore bien des choses à nous raconter.

Enfin, citons un grand oublié au palmarès: l’excellent Nos batailles, qui méritait assurément de participer à la remise des prix. Projeté lors de la soirée d’ouverture, le deuxième long-métrage de Guillaume Senez (qui avait remporté le Prix de la Critique à Namur pour Keeper) est reparti injustement bredouille. Mais le réalisateur se sera certainement vite consolé, puisque 24 heures plus tard, Nos batailles recevait le Prix de la Critique (décidément!) au Festival international du Film d’Hambourg.

Olivier Clinckart

33e Fiff: retour sur le palmarès (I)

Le 33e Festival International du Film Francophone de Namur s’est tenu du 28 septembre au 5 octobre 2018. Une édition qui a su proposer une programmation éclectique dans ses différentes sections, à commencer par la Compétition officielle. Le jury, présidé par le réalisateur Thierry Klifa, a visionné 13 films et a rendu les verdicts suivants:

-Bayard d'Or du Meilleur film: M, de Yolande Zauberman

-Prix Spécial du jury: Les tombeaux sans nom, de Rithy Panh

-Mention spéciale du jury: En liberté!, de Pierre Salvadori

-Bayard d'Or du Meilleur comédien: Théodore Pellerin, pour Genèse

-Bayard d'Or de la Meilleure comédienne: Elodie Bouchez, pour Pupille

-Bayard de la Meilleure photographie: Les tombeaux sans nom, de Rithy Panh

-Bayard du Meilleur scénario: Pupille, de Jeanne Herry et Gaëlle Macé

Les autres films en compétition étaient:

Alice T., de Radu Muntean; Charlotte a du fun, de Sophie Lorrain; Fortuna, de Germinal Roaux; The Mercy of the Jungle, de Joël Karekezi; Mitra, de Jorge Leon; Nos batailles, de Guillaume Senez; Un amour impossible, de Catherine Corsini; Weldi, de Mohammed Ben Attia.

La principale constatation qui se dégage du palmarès est que les membres du jury ont récompensé davantage des thématiques plutôt que des oeuvres cinématographiques au sens complet du terme. En effet, les deux premiers prix -le Bayard d’Or du Meilleur film et le Prix Spécial du jury- sont allés à des documentaires, certes très forts quant aux sujets abordés, mais pas forcément les plus aboutis au niveau de leur réalisation, du moins par rapport à certains autres films en compétition.

Ainsi, dans Les tombeaux sans nom, Rithy Panh poursuit le devoir de mémoire autour du terrible génocide commis par les Khmers rouges au Cambodge dans les années 70. Le superbe L’image manquante avait d’ailleurs été programmé au Fiff en 2013 et le réalisateur nous propose ici un dialogue avec les âmes des disparus et des innombrables victimes du génocide qui sont restées sans sépulture. Alternant les moments de spiritualité et les témoignages glaçants relatifs aux atrocités commises, le film fait incontestablement oeuvre utile.

Un extrait de Les tombeaux sans nom: https://cineuropa.org/fr/video/358065/

Il en va de même pour M, tourné en yiddish et qui nous emmène dans une plongée hallucinante au coeur de Bneï Brak, la capitale mondiale des juifs ultra-orthodoxes. M, c’est Menahem Lang, qui a grandi au sein de cette communauté aux préceptes rigoristes, mais où il a subi pendant des années des abus sexuels. Accompagné de la réalisatrice, l’homme revient sur les lieux du crime dont il a été la victime. Un crime qui a façonné sa personnalité et dont il n’est évidemment pas sorti indemne. C’est à un voyage noir de noir, au propre comme au figuré, que Yolande Zauberman nous convie. D’abord parce qu’une grande partie du film se déroule de nuit ou dans la pénombre, ensuite parce que ce côté sombre se voit renforcé par les résidents de Bneï Brak, entièrement vêtus de noir et dont certains propos pour le moins interpellants démontrent à quel point l’extrémisme religieux n’est pas l’apanage d’un seul culte en particulier, mais est hélas bien universel. A travers le parcours cabossé et la douloureuse reconstruction de son protagoniste principal, Yolande Zauberman a le mérite de mettre en lumière un sujet peu connu chez nous.

Un extrait de M.: https://cineuropa.org/fr/video/358230/

S’il faut, par contre, se baser également sur les qualités cinématographiques d’ensemble de ces 2 documentaires, et pas uniquement sur leur incontestable apport thématique en matière d’éveil des consciences, force est de constater qu’ils n’étaient probablement pas les 2 meilleures productions parmi les 13 en lice dans la course aux honneurs namurois. Nous reviendrons donc dans notre prochain article sur les autres films primés et oubliés au palmarès.

Olivier Clinckart

 

Fiff de Namur: dites 33 !

C’est donc ce vendredi 28 septembre que la 33e édition du Festival International du Film Francophone de Namur lance les festivités qui se tiendront pendant une semaine au sein de la capitale wallonne.

Au programme, comme chaque année, le cinéma des pays francophones et proches de la francophonie sera mis à l’honneur, dans une programmation riche de plusieurs dizaines de films programmés dans les diverses compétitions.

Et d’emblée, c’est un excellent film d’ouverture qui sera proposé aux spectateurs: rien moins que Nos batailles, de Guillaume Senez, qui avait eu les honneurs de la Semaine de la Critique en mai 2018 et où il avait fait forte impression. Nous avions commenté le film à l’époque et interviewé son réalisateur; 2 articles disponibles sur notre site via les liens suivants:

Nos batailles – Semaine de la Critique (séance spéciale)

Nos batailles: interview de Guillaume Senez

Dites 33, donc, pour un festival qui se porte décidément bien!

Olivier Clinckart