L’éventreur de St Pauli à la Berlinale

 

Premier choc de cette 69e Berlinale, le dernier film en date de Fatih Akin, The Golden Glove (♥♥♥), n’aura laissé personne indifférent et a profondément divisé la Critique.

Le film retrace le parcours aussi sinistre qu’authentique de Fritz Honka, tueur en série au faciès difforme ayant sévi à Hambourg au début des années 70. Ses victimes étaient généralement des prostituées qu’il rencontrait au Golden Glove, un bar miteux de son quartier. S’il se débarrassait d’une partie des corps démembrés, il en conservait d’autres parties dans son appartement.

 

Avec un sens aigu du détail, Akin se livre à une reconstitution saisissante des décors et de l’atmosphère de l’époque. Mais surtout, il développe une galerie de personnages d’un sordide absolu, à commencer par le principal protagoniste lui-même, totalement en marge de la société et au physique repoussant. Aux limites du film de genre, The Golden Glove assume totalement son propos et nous gratifie de scènes d’une violence crue qui a provoqué la nausée chez plus d’un spectateur. Mais le réalisateur se défend d’avoir joué la carte du sensationnalisme et précisait à juste titre en conférence de presse qu’il n’a fait que représenter la triste réalité, forcément ultra-violente, des faits.

Nous évoquions plus haut la galerie de personnages sinistres qui évoluent dans The Golden Glove. C’est là un des autres points forts du récit: aussi terrifiants soient-ils, on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine forme d’empathie pour ces êtres brisés par la vie et la société et dont on perçoit que le parcours aurait pu être tout autre si le destin leur avait été plus favorable. De fait, si les crimes commis par Fritz Honka sont aussi impardonnables qu’injustifiables, il est difficile de ne pas se sentir interpellé par l’écrasante solitude à laquelle cet individu a été condamné de par sa difformité. La même solitude dans laquelle étaient plongées ses victimes et qui en faisaient donc des proies d’autant plus vulnérables.

Au-delà de la mise en scène impressionnante, il faut aussi saluer l’interprétation époustouflante de l’acteur principal Jonas Dassler et le travail minutieux de maquillage requis quotidiennement pour transformer ce beau jeune homme de 23 ans en un Fritz Honka crédible. The Golden Glove suscite la polémique à la Berlinale, mais il mériterait pourtant de figurer au palmarès, que ce soit pour une récompense technique ou pour le jeu impeccable de Jonas Dassler. Reste à voir si le jury sera sensible à ce genre d’oeuvre très décalée qui ne cadre pas avec la programmation dite plus « classique » qu’on retrouve généralement en compétition officielle, mais qui, justement, apporte un souffle d’originalité toujours bienvenu, fut-il sujet à controverse.

Olivier Clinckart