Avant la clôture de ce vendredi 6 octobre, voici un rapide aperçu des 6 derniers films en Compétition officielle au 32e Fiff de Namur.
Avec Laissez bronzer les cadavres, Hélène Cattet et Bruno Forzani proposent un beau petit ovni cinématographique en forme d’hommage aux films de genre. A la manière des séries B des années 70, les deux réalisateurs s’en donnent à coeur joie avec cette histoire complètement barrée d’une bande de braqueurs en planque dans un village isolé de la Méditerranée. Avec sa première partie déjantée, ses personnages hauts en couleurs et son remarquable travail sur le son, le film ravira les amateurs du genre -quel dommage d’ailleurs que la sortie du film ne coïncide pas avec le Bifff (le Festival du Film Fantastique de Bruxelles) car il y aurait évidemment parfaitement trouvé sa place- tout comme il déconcertera les cinéphiles moins ouverts à ce type de mise en scène. L’intensité de ce trip hallucinatoire faiblit toutefois quelque peu dans sa deuxième partie, filmée essentiellement dans une pénombre qui rend le récit assez confus par moments. Mais l’ensemble ne laisse en aucun cas indifférent.
Tadoussac, film canadien, et When the day had no name, film macédonien, proposent un regard intéressant sur le cinéma du Québec et de l’ancienne république yougoslave, dont les productions n’atteignent que très rarement nos salles francophones européennes. Avaient-ils pour autant leur place dans une Compétition officielle? Avec une mise en scène lente et un récit qui peine à démarrer, tant le premier titre que le second font plutôt figure d’honnêtes téléfilms, même si les sujets -une jeune femme cherche à retrouver sa mère dans Tadoussac, tandis que When the day had no name suit un groupe de jeunes amis sur une période de 24 heures- auraient pu déboucher sur une intrigue plus fouillée.
Volubilis, film marocain, narre les péripéties d’un couple au sein d’une société décrite comme profondément inégalitaire au niveau social. Lui est vigile dans un centre commercial, elle est employée de maison chez une riche propriétaire dont la vie se résume à des journées oisives et des soirées mondaines. Un évènement profondément humiliant va venir bouleverser le quotidien d’Abdelkader et Malika. Une telle trame avait de quoi donner lieu à un récit subtil sur les inégalités de la société marocaine et une analyse sociologique prenante. Il n’en est rien, tant le ton employé frôle souvent la caricature et ne parvient pas à trouver un équilibre narratif satisfaisant.
Chien, de Samuel Benchetrit, était attendu avec impatience à Namur, car il permettait au public du Fiff de retrouver Vanessa Paradis, laquelle avait d’ailleurs été invitée en 2015 en tant que Coup de coeur du festival. Mais l’actrice n’a en réalité qu’un rôle secondaire dans cette comédie dramatique affligeante (ou dramatiquement affligeante) dont Vincent Macaigne assure le rôle principal. Avec ce récit d’un homme ayant tout perdu et qui se voit recueilli par le patron d’une animalerie qui va le traiter (littéralement) comme un chien, Benchetrit a voulu construire une allégorie se basant sur un fait l’ayant marqué, un jour qu’il se promenait en rue avec son chien: les passants s’intéressaient bien plus à l’animal qu’à un sans-abri couché à deux pas de là. D’où l’idée d’en tirer un roman qu’il adapte donc aujourd’hui au grand écran. Si l’histoire a sans doute de quoi séduire sur papier, le résultat en images est nettement moins convaincant, tant le personnage principal se révèle insupportable avec ses airs de chien battu (logique, certes, avec un tel titre) qui subit les évènements de manière totalement amorphe et se transforme peu à peu en animal de compagnie. Peut-on dès lors parler de performance d’acteur pour Vincent Macaigne, à l’expression figée pendant quasiment tout le film? Certains ont visiblement apprécié sa (non)performance, de même que le côté (faussement) décalé d’un récit qui suscite surtout un ennui profond et dont les moments drôles supposés arrachent à peine un faible sourire. Et que dire de la séquence finale (narrée avec une voix d’une naïveté confondante par Macaigne), qui se veut pleine de poésie? Elle à l’image de l’ensemble: horripilante.
L'acteur Vincent Macaigne (à droite) dans Chien
Maryline, de Guillaume Gallienne, était lui aussi très attendu, après le formidable premier film de son réalisateur, Les Garçons et Guillaume, à table! Mais où diable sont passées la fantaisie débridée et la folle originalité dont Gallienne faisait preuve? Difficile de les retrouver dans Maryline, tout au long de l’histoire de cette jeune femme qui monte à Paris pour y tenter de devenir comédienne. La grande faiblesse du scénario est qu’il est très complexe de définir où Guillaume Gallienne a voulu en venir, tant il semble courir de lièvres à la fois. Cette chronique étalée sur une quinzaine d’années d’une jeune femme qui n’arrive pas à extirper les mots nécessaires de sa bouche pour atteindre son but laisse perplexe. On saluera par contre l’interprétation lumineuse de Adeline D’Hermy, sociétaire comme Gallienne de la Comédie-Française et dont le charme fait mouche dans un film trop décousu et qui n’évite pas certains excès de naïveté et autres clins d’oeil trop appuyés.
Adeline D'Hermy dans Maryline
Verdicts et palmarès du 32e Fiff ce vendredi 6 octobre en soirée. En attendant, voici notre palmarès personnel:
-Prix spécial du Jury au documentaire Maman Colonelle -Bayard de la Meilleure photographie: TukTuq -Bayard du Meilleur scénario: Laissez bronzer les cadavres -Bayard de la Meilleure comédienne: Mariam Al Ferjani (dans La belle et la meute) ou Adeline D'Hermy (dans Maryline) -Bayard du Meilleur comédien: Mircea Postelnicu (dans Ana, mon amour) -Bayard d'Or: Ana, mon amour
Olivier Clinckart