70e Berlinale: un dernier regard sur le palmarès

La 70e Berlinale s’est achevée ce dimanche 1er mars, les récompenses ayant été, elles, attribuées la veille au soir.

Que retenir du palmarès émis par le jury, dont le président était le comédien Jeremy Irons? Tout d’abord, on ne peut que se réjouir du bel équilibre trouvé par les jurés, qui ont su récompenser des films d’auteurs parfois assez pointus, sans mépriser pour autant des films dits « grand public » qui n’en présentaient pas moins de réelles qualités cinématographiques.

Ainsi (et après le Prix du meilleur documentaire remis fort justement à Irradiés de Rithy Panh), quel plaisir de voir Effacer l’historique décrocher le Prix spécial de la 70e Berlinale! Qu’une comédie -mais qui dit beaucoup de choses très sérieuses avec énormément d’humour- se voit récompensée dans un festival majeur n’est pas chose courante.

Benoît Delépine et Gustave Kervern,
Prix Spécial 70e Berlinale
© Olivier Clinckart

Le choix du meilleur comédien ne souffre d’aucune discussion non plus, tant Elio Germano livre une prestation époustouflante dans Hidden Away.

Elio Germano,
Ours d'argent du meilleur acteur
© Olivier Clinckart

Si Undine ne nous a pas pleinement convaincus, l’Ours d’argent de la meilleure actrice décerné à Paula Beer n’a rien d’illégitime, tant la jeune femme prouve une nouvelle fois son grand talent dans le film de Christian Petzold.

Paula Beer,
Ours d'argent de la meilleure actrice
© Olivier Clinckart

Tout aussi compréhensibles sont les Ours d’argent de la meilleure contribution artistique, décerné à Jürgen Jürges pour son impressionnant travail de chef-opérateur dans le controversé mais intrigant DAU. Natasha, ainsi que l’Ours d’argent du meilleur réalisateur remis à Hong Sang-soo pour The Woman Who Ran. Si ce dernier film nous a paru assez répétitif par rapport aux oeuvres récentes du réalisateur sud-coréen, on ne peut nier que celui-ci fait toujours preuve d’une profonde maîtrise de son art.

Jürgen Jurges (en haut), 
Ours d'argent de la meilleure contribution artistique
Hong Sang-soo (en bas),
Ours d'argent du meilleur réalisateur
© Olivier Clinckart

Plus étonnants sans doute sont les Ours d’argent du meilleur scénario remis aux frères D’Innocenzo pour Bad Tales, film certes intéressant et qui nous a globalement plu, mais dont le récit ne va justement pas totalement au bout de son propos, et l’Ours d’argent – Grand prix du Jury (le 2e  prix en importance) attribué à Never Rarely Sometimes Always, de Eliza Hittman. Ce film, qui a davantage des allures de téléfilm, nous avait paru très plat dans sa mise en scène et  nous semblait particulièrement manichéen dans sa vision des choses. Une impression que la réalisatrice Eliza Hittman n’a fait que renforcer dans ses propos lors de la conférence de presse d’après remise des prix.

Fabio & Damiano D'Innocenzo (en haut),
Ours d'argent du meilleur scénario
Eliza Hittman (en bas),
Ours d'argent - Grand Prix du Jury
© Olivier Clinckart

Déception également quant à l’absence au palmarès de Berlin Alexanderplatz, qui ne méritait pas de repartir bredouille. Nous lui donnions même l’Ours d’or dans notre palmarès idéal, mais il n’a visiblement pas convaincu le jury. Un jury qui, il est vrai, est toujours constitué d’une somme d’individus aux sensibilités artistiques très variées et où, inévitablement, des compromis doivent se faire.

Pour autant, on ne reprochera cerainement pas à ces mêmes jurés d’avoir décerné l’Ours d’or à l’excellent film iranien There is No Evil, de Mohammad Rasoulof, interdit de quitter le territoire iranien, comme nous l’expliquions précédemment. A ce propos, il est intéressant de constater à quel point un jury n’est pas l’autre: l’an dernier, il semblait évident que l’Ours d’or revienne au formidable So Long, My Son de Wang Xiaoshuai. En lieu et place, les deux (magnifiques, certes) interprètes principaux reçurent les Ours d’argent du meilleur acteur et de la meilleure actrice. Un choix visant très probablement à ne pas couronner un film dans son ensemble provenant d’un pays (la Chine) pointée du doigt pour son manque de respect des droits de l’Homme. Dans cette optique, nous imaginions qu’il en irait peut-être de même cette année, mais ce fut tout le contraire.



Baran Rasoulof (fille de Mohammad Rasoulof) et un des producteurs du film (en haut), Baran Rasoulof et Mohammad Rasoulof intervenant en direct et par smartphone depuis l'Iran (en bas),
Ours d'or du meilleur film pour There is No Evil
© Olivier Clinckart

Quoi qu’il en soit de ces considérations géopolitiques, c’est un bien bel Ours d’or que celui-là qui vient clôturer une 70e Berlinale à la programmation en demi-teinte mais dont émerge au final un palmarès des plus honorables. A l’année prochaine pour la 71e édition, du 11 au 21 février 2021!

Olivier Clinckart

69e Berlinale: pronostics d’avant verdicts

C’est ce samedi 16 février que le jury présidé par Juliette Binoche décernera ses prix aux films en Compétition officielle. En attendant, voici notre palmarès personnel idéal:

Prix Alfred-Bauer (qui ouvre de nouvelles perspectives dans l’art cinématographique ou offre une vision esthétique novatrice et singulière) : Öndög de Wang Quan’an

Ours d’argent de la Meilleure contribution artistique : The Golden Glove, de Fatih Akin

Ours d’argent du Meilleur scénario : A Tale of Three Sisters

Ours d’argent de la Meilleure actrice : Helena Zengel dans System Crasher ou Zorica Nusheva dans God exists, Her Name is Petrunija

Ours d’argent du Meilleur acteur : Jonas Dassler dans The Golden Glove

Ours d’argent de la Meilleure réalisation: Agnieszka Holland, pour Mr. Jones

Ours d’argent – Grand Prix du jury: Grâce à Dieu, de François Ozon.

Ours d’Or du Meilleur film : So Long, My Son de Wang Xiaoshuai

Pour rappel, voici notre cotation des 16 films en Compétition:

So Long, My Son ♥♥♥ 1/2
Grâce à Dieu ♥♥♥
The Golden Glove ♥♥♥
Mr. Jones ♥♥ 1/2
Piranhas ♥♥ 1/2
A Tale of Three Sisters ♥♥
God exists, Her Name is Petrunija ♥♥
Öndög ♥♥ 
System Crasher ♥♥ 
Elisa & Marcela ♥ 1/2
Out Stealing Horses ♥ 1/2
The Kindness of Strangers ♥ 1/2
Répertoire des villes disparues The Ground beneath My Feet  
I was at home, but 0
Synonymes 0

33e Fiff: retour sur le palmarès (II)

Deux prix apparaissent comme fort logiques au palmarès du 33e Festival International du Film Francophone de Namur: les Bayard du Meilleur comédien et de la Meilleure comédienne. Ainsi, le Canadien Théodore Pellerin s’est vu récompensé pour sa belle prestation dans Genèse, film plein de sensibilité sur les premières amours de trois adolescents québécois qui cherchent leurs repères alors qu’ils sont aux portes de l’âge adulte. Si le canevas développé ne révolutionne pas un thème déjà maintes fois abordé au cinéma, le réalisateur Philippe Lesage peut compter sur de jeunes comédiens talentueux qui rendent les personnages profondément attachants. A noter que Genèse constitue le deuxième volet autobiographique du cinéaste, après Les démons, qui avait également été présenté au Fiff en 2015.

Côté féminin, Elodie Bouchez a été honorée du Bayard pour son rôle dans Pupille, le film de Jeanne Herry et Gaelle Macé. Elle y incarne une femme ne pouvant avoir d’enfants et qui cherche à adopter depuis près de 10 ans. Son parcours est mis en parallèle avec d’autres destins, dont celui d’un homme (interprété par Gilles Lellouche) qui fait office de père d’accueil temporaire pour des jeunes enfants et des bébés, ou encore d’une jeune femme qui, lors de son accouchement, décide de mettre son bébé à l’adoption. C’est un joli retour à l’avant-plan pour celle qui reçut le César de la Meilleur actrice et le Prix d’interprétation féminine à Cannes pour La vie rêvée des anges, il y a 20 ans déjà. Dans Pupille, elle est émouvante et toute en fragilité dans la peau de son personnage, dont le combat pour adopter est étalé sur plusieurs années.

Quelques instants avant l’annonce du Bayard de la Meilleure actrice, Pupille avait déjà été primé du Bayard du Meilleur scénario. Un choix plus surprenant toutefois, car si le film contient d’indéniables qualités, dont un jeu d’acteurs des plus convaincants, il pèche parfois par naïveté, au détour de quelques séquences qui, en frôlant l’angélisme, manquent singulièrement de crédibilité. Mais le récit, répétons-le, reste plaisant dans l’ensemble et prouve que Jeanne Herry, après Elle l’adore, a encore bien des choses à nous raconter.

Enfin, citons un grand oublié au palmarès: l’excellent Nos batailles, qui méritait assurément de participer à la remise des prix. Projeté lors de la soirée d’ouverture, le deuxième long-métrage de Guillaume Senez (qui avait remporté le Prix de la Critique à Namur pour Keeper) est reparti injustement bredouille. Mais le réalisateur se sera certainement vite consolé, puisque 24 heures plus tard, Nos batailles recevait le Prix de la Critique (décidément!) au Festival international du Film d’Hambourg.

Olivier Clinckart

33e Fiff: retour sur le palmarès (I)

Le 33e Festival International du Film Francophone de Namur s’est tenu du 28 septembre au 5 octobre 2018. Une édition qui a su proposer une programmation éclectique dans ses différentes sections, à commencer par la Compétition officielle. Le jury, présidé par le réalisateur Thierry Klifa, a visionné 13 films et a rendu les verdicts suivants:

-Bayard d'Or du Meilleur film: M, de Yolande Zauberman

-Prix Spécial du jury: Les tombeaux sans nom, de Rithy Panh

-Mention spéciale du jury: En liberté!, de Pierre Salvadori

-Bayard d'Or du Meilleur comédien: Théodore Pellerin, pour Genèse

-Bayard d'Or de la Meilleure comédienne: Elodie Bouchez, pour Pupille

-Bayard de la Meilleure photographie: Les tombeaux sans nom, de Rithy Panh

-Bayard du Meilleur scénario: Pupille, de Jeanne Herry et Gaëlle Macé

Les autres films en compétition étaient:

Alice T., de Radu Muntean; Charlotte a du fun, de Sophie Lorrain; Fortuna, de Germinal Roaux; The Mercy of the Jungle, de Joël Karekezi; Mitra, de Jorge Leon; Nos batailles, de Guillaume Senez; Un amour impossible, de Catherine Corsini; Weldi, de Mohammed Ben Attia.

La principale constatation qui se dégage du palmarès est que les membres du jury ont récompensé davantage des thématiques plutôt que des oeuvres cinématographiques au sens complet du terme. En effet, les deux premiers prix -le Bayard d’Or du Meilleur film et le Prix Spécial du jury- sont allés à des documentaires, certes très forts quant aux sujets abordés, mais pas forcément les plus aboutis au niveau de leur réalisation, du moins par rapport à certains autres films en compétition.

Ainsi, dans Les tombeaux sans nom, Rithy Panh poursuit le devoir de mémoire autour du terrible génocide commis par les Khmers rouges au Cambodge dans les années 70. Le superbe L’image manquante avait d’ailleurs été programmé au Fiff en 2013 et le réalisateur nous propose ici un dialogue avec les âmes des disparus et des innombrables victimes du génocide qui sont restées sans sépulture. Alternant les moments de spiritualité et les témoignages glaçants relatifs aux atrocités commises, le film fait incontestablement oeuvre utile.

Un extrait de Les tombeaux sans nom: https://cineuropa.org/fr/video/358065/

Il en va de même pour M, tourné en yiddish et qui nous emmène dans une plongée hallucinante au coeur de Bneï Brak, la capitale mondiale des juifs ultra-orthodoxes. M, c’est Menahem Lang, qui a grandi au sein de cette communauté aux préceptes rigoristes, mais où il a subi pendant des années des abus sexuels. Accompagné de la réalisatrice, l’homme revient sur les lieux du crime dont il a été la victime. Un crime qui a façonné sa personnalité et dont il n’est évidemment pas sorti indemne. C’est à un voyage noir de noir, au propre comme au figuré, que Yolande Zauberman nous convie. D’abord parce qu’une grande partie du film se déroule de nuit ou dans la pénombre, ensuite parce que ce côté sombre se voit renforcé par les résidents de Bneï Brak, entièrement vêtus de noir et dont certains propos pour le moins interpellants démontrent à quel point l’extrémisme religieux n’est pas l’apanage d’un seul culte en particulier, mais est hélas bien universel. A travers le parcours cabossé et la douloureuse reconstruction de son protagoniste principal, Yolande Zauberman a le mérite de mettre en lumière un sujet peu connu chez nous.

Un extrait de M.: https://cineuropa.org/fr/video/358230/

S’il faut, par contre, se baser également sur les qualités cinématographiques d’ensemble de ces 2 documentaires, et pas uniquement sur leur incontestable apport thématique en matière d’éveil des consciences, force est de constater qu’ils n’étaient probablement pas les 2 meilleures productions parmi les 13 en lice dans la course aux honneurs namurois. Nous reviendrons donc dans notre prochain article sur les autres films primés et oubliés au palmarès.

Olivier Clinckart

 

Mostra 2018 – Le palmarès

Pour rappel et en bref, voici le palmarès de la 75e Mostra. Un palmarès mi-figue mi-raisin, avec des évidences, telles que les prix d’interprétation masculine et féminine attribués à Willem Dafoe et Olivia Colman; et des récompenses logiques telles que celles attibuées à Yorgos Lanthimos pour The Favourite et à Jacques Audiard pour The Sisters Brothers. Le Lion d’Or, Roma (que nous n’avons malheureusement pas vu), était lui aussi cité parmi les favoris.

On sera toutefois beaucoup plus perplexe concernant le Prix du meilleur scénario décerné au frères Coen pour The Ballad of Buster Scruggs, film certes sympathique mais très inégal avec sa découpe en 6 sketches de qualité variable.

Et nous regretterons enfin profondément l’absence totale du palmarès du superbe Werk ohne Autor/Never Look Away, qui ne méritait pas de se retrouver aussi superbement ignoré par le jury présidé par Guillermo Del Toro. Sans doute est-ce là un exemple parfait de la fracture fréquente entre le public d’une part et les professionnels d’autre part. Il est en effet intéressant de noter que, dans le magazine quotidien qui paraît à Venise pendant la Mostra, un panel de spectateurs choisis pour coter la Compétition officielle attribuait, sur un maximum possible de 5 étoiles, la note de… 4,7 à Werk ohne Autor, de très loin la meilleure cotation sur les 21 films en compétition! Dommage, donc, que dans ce cas-ci, public et professionnels n’aient pas été sur la même longueur d’ondes!

Lion d’Or du meilleur film : Roma d’Alfonso Cuaron
Lion d’Argent Grand Prix du jury : The Favourite de Yorgos Lanthimos
Lion d’Argent de la meilleure mise en scène : Jacques Audiard pour The Sisters Brothers
Prix du meilleur scénario : Joel et Ethan Coen pour The Ballad of Buster Scruggs
Prix spécial du jury : The Nightingale de Jennifer Kent
Coupe Volpi de la meilleure interprète féminine : Olivia Colman dans The Favourite
Coupe Volpi du meilleur interprète masculin : Willem Dafoe dans At Eternity’s Gate
Prix Marcello-Mastroianni du meilleur espoir : Baykali Ganambarr dans The Nightingale

Olivier Clinckart

Mostra 2018 – Les pronostics

La 75e édition de la Mostra de Venise se clôture ce samedi soir 8 septembre avec la remise des pris, dont le prestigieux et tant convoité Lion d’Or. Nous saurons donc à qui le jury présidé par Guillermo Del Toro va décerner les fameux lauriers. En attendant, voici nos pronostics forcément subjectifs, car sur les 21 films en Compétition officielle, nous n’avons pas vu 5 d’entre eux, à savoir Doubles vies d’Olivier Assayas, ROMA d’Alfonso Cuaron, The Nightingale de Jennifer Kent, Capri-Revolution de Mario Martone et Zan ( Killing) de Shinya Tsukamoto.

Voici donc nos récompenses idéales:

-Prix spécial du jury: Suspiria

-Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir: Jonas Strand Gravli dans 22 July ou Raffey Cassidy dans Vox Lux

-Prix du meilleur scénario: en joker: ROMA (pas vu mais très bien coté par la presse et le public)

-Coupe Volpi meilleure interprétation masculine: John C. Reilly dans The Sister Brothers ou Willem Dafoe dans At Eternity’s Gate

-Coupe Volpi meilleure interprétation féminine: Olivia Colman dans The Favourite

-Lion d’Argent du meilleur réalisateur: Damien Chazelle pour First Man

-Lion d’Argent – Grand Prix du jury: The Sisters Brothers

-Lion d’Or: Werk ohne Autor/Never Look Away

 

Pour rappel, notre cotation des films vus en Compétition officielle:

Werk ohne Autor/Never Look Away ♥♥♥♥

The Sisters Brothers ♥♥♥

The Favourite ♥♥♥

First Man ♥♥♥

At Eternity’s Gate ♥♥1/2

22 July ♥♥

Vox Lux ♥♥

Suspiria ♥♥

Frères ennemis ♥♥

The Ballad of Buster Scruggs ♥♥

Sunset ♥1/2

Acusada ♥1/2

What You Gonna Do When The World’s on Fire? ♥1/2

Peterloo

Nuestro Tiempo

The Mountain 0

Olivier Clinckart

Fiff, avec « f » comme « fin »

Le 32e Festival du Film Francophone de Namur s’est clôturé le 6 octobre, revenons brièvement sur le palmarès du Jury Officiel. Celui-ci était composé de Martin Provost (réalisateur français et Président du Jury), Loubna Abidar (actrice marocaine), Anne Emond (réalisatrice canadienne du Québec), Issaka Sawadogo (acteur burkinabé), Christa Théret (actrice française) et Marc Zinga (acteur belge). Les 6 récompenses attribuées sont les suivantes:

-Bayard d'Or du Meilleur film: Chien, de Samuel Benchetrit
-Prix Spécial du jury: Maman Colonelle, de Dieudo Hamadi
-Bayard d'Or du Meilleur comédien: Vincent Macaigne, pour Chien
-Bayard d'Or de la Meilleure comédienne: Camille Mongeau, pour Tadoussac
-Bayard de la Meilleure photographie: 12 jours, de Raymond Depardon
-Bayard du Meilleur scénario: Chien, de Samuel Benchetrit

Un grand vainqueur donc, le film Chien, mais un palmarès qui a de quoi laisser pantois et qu’on a, justement, un mal de chien à comprendre. En effet, le seul prix qui paraît légitime est celui attribué à l’excellent documentaire de Dieudo Hamadi consacré au travail opiniâtre de la Colonelle Honorine, chargée de la protection des enfants et de la lutte contre les violences sexuelles en République Démocratique du Congo. Une « médaille d’argent » au Fiff entièrement méritée pour le réalisateur congolais.

Dommage que le jury n’ait pas fait preuve de la même lucidité quant aux autres récompenses. Car il est tout bonnement invraisemblable d’avoir attribué 3 prix à ce Chien qui manquait terriblement de mordant et dont l’allégorie qu’il propose, aussi originale pouvait-elle paraître de prime abord, ne suffit pas à masquer les faiblesses d’une mise en scène et d’une interprétation horripilante. Dans cette optique, couronner la (non)prestation de Vincent Macaigne comme Meilleur comédien confine au ridicule, tant l’acteur ne joue pas dans ce film: son personnage demeure amorphe et inexpressif quasiment d’un bout à l’autre, ne se révoltant qu’à une seule et rare occasion contre sa condition d’animal de compagnie. Le genre de personnage à qui l’on rêve de pouvoir flanquer une bonne paire de baffes et qui, au lieu de susciter la moindre empathie à son égard, se rend profondément irritant.

Vincent Macaigne et Vanessa Paradis, interprètes principaux de Chien, aux côtés de Samuel Benchetrit

Dès lors, avoir complètement méprisé le formidable Ana, mon amour, qui méritait 100 fois plus que Chien de repartir avec les honneurs namurois, s’avère une fameuse faute de goût donnant envie de montrer les crocs aux jurés.

Dans la même optique, Mircea Postelnicu, acteur principal du film roumain précité, n’aurait pas volé la statuette du Meilleur comédien, tandis que celle de la Meilleure comédienne aurait du revenir à Mariam Al Ferjani, impressionnante dans La belle et la meute. Si la québécoise Camille Mongeau livre une composition honorable, elle ne surpasse toutefois pas en intensité celle de l’actrice tunisienne.

Enfin le Bayard de la Meilleure photographie ressemble plutôt à un mauvais cliché. Car il fait bien davantage penser à un hommage rendu au grand Raymond Depardon pour l’ensemble de son oeuvre qu’à une récompense attribuée à son documentaire (12 jours) en tant que tel. Un docu fort convaincant au demeurant, certes, et au sujet captivant mais dont on perçoit mal en quoi sa photographie puisse être considérée comme supérieure à celle de TukTuq, autre film lamentablement laissé sur la touche. Peut-être le jury, après un bon repas, se sera-t-il assoupi devant la mise en scène très contemplative de ce film canadien, manquant ainsi l’occasion de profiter des somptueux paysages filmés par Romain Aubert en territoire inuit.

On se consolera de ce palmarès bancal en soulignant la bien plus grande lucidité du Jury Junior, composé de 8 jeunes critiques en herbe belges âgés de 12-13 ans, qui a remis son Prix au film Petit paysan, de Hubert Charuel, parmi 7 films en compétition.

Une mention également au Jury de la Critique UCC-UPCB (les 2 associations belges de critiques) qui devait choisir entre 5 films belges pour décerner son Prix et qui a désigné Drôle de père, d’Amélie Van Elmbt, un récit attachant plein de finesse et sans pathos, bénéficiant d’une belle alchimie entre les personnages et de l’interprétation d’une rare justesse de la petite Nina Doillon.

Le palmarès complet du 32e Fiff peut être consulté sur le site du Festival:

https://www.fiff.be/palmares-fiff-2017

Olivier Clinckart