70e Berlinale: les premiers films en Compétition officielle

Le premier long weekend de la Berlinale aura laissé une impression en demi-teinte quant aux premiers films de la Compétition officielle.

Pour son second long-métrage, The intruder (El Profugo) () la réalisatrice argentine Natalia Meta a voulu apporter une touche de fantastique au Festival. Le personnage principal du film, Inés, est chanteuse dans une chorale de Buenos Aires et officie également dans le doublage, où elle prête sa voix pour la version en langue espagnole de productions étrangères. Mais depuis qu’elle a vécu une expérience traumatisante lors de vacances récentes, elle souffre d’insomnies et fait de violents cauchemars. Et les choses ne semblent pas s’améliorer, puisque les micros du studio de doublage enregistrent à présent des sons étranges qui paraissent provenir des cordes vocales d’Inés.

The intruder (El Profugo)
© Rei Cine SRL, Picnic Producciones SRL

Natalia Meta a adapté un roman d’horreur très connu en Argentine, El mal menor, de C.E. Feiling. Il en résulte une tentative pas franchement réussie de film de genre où le scénario brille un peu trop par son absence et ne se démarque en rien de nombreuses productions du même acabit. Il faut néanmoins saluer le travail sur le son ainsi que la prestation de l’actrice principale Erica Rivas, mais l’intrigue en elle-même s’oublie très rapidement.

On ne sera guère plus élogieux à l’égard de First Cow () , de Kelly Reichardt, même si la Critique était davantage divisée sur le film de la cinéaste américaine (Wendy & Lucy, Night Moves, Certain Woman). C’est que l’on accroche ou pas au style de la réalisatrice, qui propose ici un western en forme de comédie, à moins qu’il ne s’agisse d’une comédie en forme de western. Quoi qu’il en soit, le scénario suit le cheminement de deux hommes amenés à devenir amis et qui tentent de survivre dans ce qui va devenir la Colombie britannique, en chapardant du lait sur la seule vache des environs. Lait grâce auquel ils vont penser faire de bonnes affaires en préparant des petits gâteaux qui ne vont pas tarder à attirer de nombreux amateurs.

First Cow
© Allyson Riggs/A24

On est évidemment à mille lieues de l’imagerie traditionnelle du western hollywoodien dans First Cow (tourné par ailleurs dans le format particulier 1,37:1), et c’est clairement ce qui aurait pu en faire son originalité. En lieu et place, Kelly Reichardt choisit dès la pemière scène de nous expliquer -même si on ne le comprend pas immédiatement- ce qui va arriver aux deux protagonistes de son récit. Et pour en arriver là, justement, encore faudra-t-il patienter longuement, le temps pour le scénario d’avancer avec une lenteur qui nous désintéresse rapidement des aventures des deux compagnons de route. Et l’humour très premier degré -et franchement pas vache- des situations qui se veulent comiques ne nous a pas davantage convaincus. Pas de quoi boire du petit lait, donc, en sortant de la projection, si ce n’est pour le soin apporté à la photographie.

Le manque d’enthousiasme sera identique en ce qui concerne All the Dead Ones (Todos os Mortos) () qui ne ment pas sur son titre, tant il est souvent d’un ennui mortel. La faute peut-être à un projet ambitieux mais rendu de manière complexe par  le duo de réalisateurs -Caetano Gotado et Marco Dutra- et dès lors difficilement abordable à tout qui n’en possède pas les clés de lecture. Située en 1899, quelques années après l’abolition de l’esclavage au Brésil, l’histoire suit quelques femmes de la famille Soares, qui a jadis fait fortune dans le commerce du café, et d’anciennes esclaves devenues domestiques de la famille précitée. Dans ce monde en pleine évolution, où les anciennes règles n’ont plus cours mais sans pour autant avoir déjà été remplacées par de nouvelles dispositions claires, les relations entre les personnages n’auront rien de simple.

All the Dead Ones (Todos os Mortos)
© Hélène Louvart/Dezenove Som e Imagens

Il ne fait aucun doute que Caetano Gotado et Marco Dutra ont voulu dire de nombreuses choses quant à l’évolution de leur pays et il est fort probable aussi qu’il faille y voir également une allusion au Brésil contemporain. Mais la relative opacité du récit, la qualité fort variable des interprètes et le manque cruel de rythme -un comble alors que la musique est assez souvent présente dans le film- font qu’il est bien difficile de s’intéresser à All the Dead Ones autrement que pour les quelques évènements marquants de l’histoire du Brésil qu’il porte à notre connaissance.

Olivier Clinckart