69e Berlinale: le meilleur pour la fin

Les organisateurs de la Berlinale aiment visiblement ménager le suspense: alors que la sélection de cette année est nettement en demi-teinte, c’est lors du dernier jour des projections à la presse qu’ils nous ont réservé le meilleur film de cette 69e édition!

So Long, My Son (♥♥♥ 1/2), de Wang Xiaoshuai, est en effet une pleine réussite, une oeuvre ambitieuse de 180 minutes dont la durée, rébarbative de prime abord, se justifie pleinement pour développer un récit qui s’étale sur plusieurs décennies. Si ce mélodrame familial est centré autour de la perte d’un enfant et des conséquences que ce deuil va entraîner pour les deux familles concernées, le récit se veut aussi une analyse de la Chine tout au long de cette période, que ce soit par le biais de la politique de l’enfant unique ou des profondes mutations que le pays a traversé.

Wang Xiaoshuai met en place une brillante construction narrative, alternant les séquences dans le présent et les flashbacks, sans toutefois utiliser le moindre effet pour passer de l’une à l’autre. De même, il recourt régulièrement à l’ellipse, d’où l’intérêt de rester pleinement attentif à l’intrigue. Cela n’empêchera pas de se sentir par moments largués, comme si une pièce du puzzle nous manquait. Et c’est effectivement le cas; le scénario ayant habilement prévu de ne nous livrer toutes les clés du récit que lorsque celui-ci touche à son terme.

 

Avec sa tonalité douce-amère et la mélancolie qu’il contient (car si les traces physiques du passé ont disparu de la Chine moderne, les cicatrices laissées par les souvenirs, demeurent, elles, intactes), So Long, My Son brille également par son interprétation irréprochable qui apporte encore davantage de supplément d’âme à l’ensemble. Il serait dès lors regrettable que le jury passe à côté de cette oeuvre cinématographique complète qui mérite sans hésitation l’Ours d’Or ou une des principales récompenses de cette 69e édition de la Berlinale.


A noter que So Long, My Son n’aurait pas du être le dernier film projeté dans la Compétition: une autre production chinoise, One Second, de Zhang Yimou, figurait au programme de la 69e Berlinale. Des « problèmes de postproduction », selon le communiqué officiel (mais la rumeur évoque avec insistance la censure chinoise), ont obligé les organisateurs à retirer le film en dernière minute.

One Second, le film dont on ne verra même pas une seconde

Olivier Clinckart